Aloysius Bertrand (1807-1841) Le clair de lune A
Le clair de lune
A l’auteur de Trilby
A l’heure qui sépare un jour d’un autre jour, quand la cité dort silencieuse, je m ‘éveillai une nuit d’hiver en sursaut, comme si j’avais ouï prononcer mon nom auprès de moi.
Ma chambre était à demi obscure ; la lune, vêtue d’une robe vaporeuse comme une blanche fée, regardait mon sommeil et me souriait à travers les vitraux.
Une ronde nocturne passait dans la rue. Un chien sans asile hurlait dans un carrefour désert, et le grillon chantait dans mon foyer.
Bientôt les bruits s’affaiblirent par degrés. La ronde nocturne s’était éloignée, on avait ouvert une porte au pauvre chien abandonné, et le grillon las de chanter, s’était endormi.
Et moi, à peine sorti d’un rêve, les yeux encore éblouis des merveilles d’un autre monde, tout ce qui m’entourait était un rêve pour moi.
Oh ! Qu’il est doux de s’éveiller, au milieu de la nuit, quand la lune, qui se glisse mystérieusement jusqu’à votre couche, vous éveille avec un mélancolique baiser !
Minuit, 27 janvier 1827.
Poème extrait des Miscellanées d'O.Bogros